Salut à tous ! Un petit moment qu'on m'a pas vu par là ! J'ai vraiment plus le temps à rien, sinon aux études
Du coup j'ai un sujet d'invention et mais le temps d'écrire de RP donc je poste le brouillon de ma plaidoirie poru avoir vos avis
Le sujet est en fait, dans le cadre d'un procès après sa mort, de rédiger une plaidoirie ou un réquisitoire sur Dom Juan.
La question préalable consiste à dire lequel on préfère, lequel on aime le moins.
Question : Bien que les similitudes abondent entre ces divers Dom Juan, et qu'ils soient tous caractérisés par une volonté de fer de défier le divin, on peut noter quelques disparités entre les protagonistes. Un honneur démesuré et une fascinante préoccupation de domination de l'autre, sont deux critères qui attirent autant qu'ils repoussent. Cependant, les intentions de Dom Juan sont claires dès le début : il est inconstant et ne compte en aucun cas se soumettre à autrui. De cela, je préfère légèrement le Dom Juan de Lorenzo Da Ponte aux Dom Juan de Molière et de Baudelaire. Il est très clair que ses injonctions envers la statue et son impassible fermeté à ne pas se raviser, fascinent. Que l'on ait assisté à toute la pièce ou que nous soyons seulement témoin de cette avant-dernière scène, on lui trouvera un mérite rare. Il luttera d'ailleurs jusqu'à l'extrême fin : les points de suspension représentent les ultimes souffles qu'il oppose à la puissance divine. Don Giovanni est, à mes yeux, le Dom Juan le plus vaillant, et le seul dont la pensée est encore en ordre à ce stade de la pièce ; il a encore conscience de ses convictions.
A l'opposé, je placerais le Dom Juan de Tirso de la Molina. Ce dernier me semble, dans cette dernière scène, le plus fragile. Il entame la scène avec une interrogative, qui prouve dans quelle confusion il se situe. Voyant que ces coups de dague sont vains, il tente ridiculement d'atténuer la colère de la statue. Subissant un échec, il demande à se repentir. Acte d'hypocrisie ou désespoir suprême, il perd en tout cas sa fierté, son honneur, et s'avoue dès lors soumis à celui qu'il voulait tant défier. Contrairement à la mort tardive de Don Giovanni qui tend à résister le plus possible avant de succomber, le Dom Juan de Tirso de la Molina donne l'impression de mourir succinctement, sans résistance. Les remarques des valets suivant la mort de leur maître vont dans ce sens. Catalinon se préoccupe davantage de son propre sort, tandis que Leporello reste effaré devant la terrible apparence que pris le visage de son maître, quelques instants avant son décès.
Ce dernier visage, caractérisé de désespéré par Leporello, fut-il un extrême masque revêtit par Dom Juan, ou alors, pour la première fois, l'expression sincère de sa souffrance ?
Plaidoirie : Mesdames et Messieurs les jurés,
Mesdames et Messieurs les victimes, cher Ciel.
La mort vient encore de frapper. Une terrible et auguste mort préméditée par le Ciel est venue accabler Dom Juan. Accusé d'horribles pêchés, Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, la sanction est tombée : le courroux du Ciel se déchaîna et emporta Dom Juan et son vécu de révolté. Mais révolté de quoi et contre qui ? Le Ciel prétend avoir été témoin d'innombrables crimes, de la part de l'accusé, condamné avant même son procès. Ce que j'essaie, depuis quelques semaines déjà, c'est d'attiser une forte rancune, qui n'a lieu d'être. L'homme qui répondait au nom de Dom Juan, cet aristocrate fortuné, ce noble éloquent, fils de Dom Louis, n'a pas pêché autant que vous l'imaginez ; la sanction qu'on lui a attribuée est disproportionnée en tout point. Non seulement il fut victime de la plus grave punition : on lui affecta la peine de non retour. Mais à fortiori, on l'accusait à tort de tous les maux. Il serait bon gré de préciser ces maux, car la seule appellation de ceux-ci dans les textes réquisitoires se résume à des équivalences telles que «crimes » ou des reformulations condensées telle que « Repens-toi ».
Le Ciel se serait-il vengé de la grâce que Dom Juan eût pour un pauvre et que lui n'eût pas ? Des décennies que ce pauvre s'adonne à la bonté divine, mais sa condition ne va qu'en se dégradant. Dom Juan lui a offert l'opportunité d'un répit. Alors oui, il eût joué en quelque sorte le rôle du Ciel, mais ne fut-il pas le messager du Ciel qui apportait un peu de gaieté dans la vie de ce misérable ? Outre les circonstances, l'acte en lui-même est profond et généreux : il n'avait pour objectif que d'améliorer la condition d'un miséreux ; on appelle cela la charité, principe fondamental de la religion. Par ses actes, Dom Juan prouvait indirectement le lien qui l'attachait aux Cieux, car lui comme eux, étaient généreux et porteurs de joie. Selon Voltaire, « il n'y a point de mal dont il ne naisse un bien » : le Ciel, comme Dom Juan apporte le bonheur par le malheur.
N'a-t-il pas procuré divers moments intenses en transport à la gente féminine ? Ce bien devait naître d'un mal : l'une le perdait, tandis que l'autre se l'appropriait.
Ainsi, Dom Juan s'estimait porteur d'un bonheur qu'elles devait toutes connaître, tout comme toute jeune mariée cherche à éprouver la félicité de donner la vie. Peut-on en vouloir à un homme qui voulait être charitable et bienfaisant ? Il a par la suite éprouvé le besoin de se servir de l'hypocrisie, car affublé de « crimes » en apparence , il ne voulait en tirer qu'un peu de repos. Preuve à l'appui, le témoin Sganarelle s'est remémoré une phrase de son maître annonçant « qu'[il] aurai[t] soin de se cacher et se divertirai à petits bruits ».
Dom Juan n'a pas manqué de se différencier de la populace. Il était constamment en quête du bonheur suprême, et le Ciel ne lui laissa pas le temps de l'achever. Il passait outre les préjugés et croyait fort en ses convictions. Là encore, une qualité qu'on peut lui reconnaître : toujours prêt à discourir avec autrui, il défendait de façon sensée et construite, son propos. Personne n'a, un jour, réussit à lui démontrer ses soi-disant torts, preuve de son non manquement aux lois sociales.
Le Ciel s'est senti raillé de lui, mais ne dit-on pas que la moquerie est la politesse de désespoir ? Dom Juan souffrait intérieurement, et l'exprimait en ralliant de tout. Est-il possible de se moquer de tout ? Pas pour tout le monde, mais du moins je pense que oui. S’il est vrai que l'impertinence est la politesse du désespoir, s’il est vrai que le persiflage, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les églises taxent de vulgarité et de mauvais goût, s’il est vrai que cette gouaillerie-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors, oui, on peut se railler de tout. Au reste, s'est-elle gênée, la mort, pour se railler de Dom Juan ? Plus généralement parlant, se gêne-t-elle pour raccourcir la vie d'une personne qui cru en Dieu jusqu'au bout de sa maladie ? Les droits de l'homme disparaissent devant ceux de la mort. Nous serons, un jour, tous fauchés par la mort, alors quelle autre échappatoire que la moquerie légère, sinon le suicide ? Tout homme conscient et averti, qui essaie de se différencier de la coutume de son temps, est donc vouer au suicide.